Qu’est-ce qu’un documentaire ? Vous allez me répondre que la réponse est facile, la question un peu idiote. Un documentaire montre ce qui est réel. Contrairement à la fiction, rien n’est inventé. Mais est-ce vraiment le cas ?
- Un genre cinématographique ancien
On peut considérer les premiers films des Frères Lumières comme des documentaires. Bien que parfois « posés », ces courtes scénettes relatent un instant de vie. On pose la caméra et on capte ce qui se passe devant nos yeux, témoignage éloquent d’un instant. C’est que que nous faisons encore aujourd’hui avec nos smartphones. Que fait-on lorsqu’on est présent à un évènement ? Notre réflexe est de sortir notre téléphone pour en garder un souvenir, que ce soit par une photo ou une vidéo.
À l’heure des réseaux sociaux, qui n’a jamais partagé sa position, envoyé ses images sur internet pour dire au monde entier qu’on était là, à cet instant précis.
C’est à partir de cette même envie qu’est né le documentaire. Revenons donc aux Frères Lumière.
Certes, certains films comme « La sortie de l’usine Lumière à Lyon », avec ses ouvriers sortants dans leur tenue du dimanche relève plus de la reconstitution que du documentaire. Le cinéma étant loin d’être écologique avec ses produits chimiques, je ne pense pas que des ouvriers fabriquant des pellicules et des caméra prennent le risque de porter leurs habits du dimanche pour aller travailler.
Mais des films comme « L’entrée en gare de la Ciotat » ne se mettent pas en scène. En tout cas probablement pas à l’époque.
Cependant, le documentaire peut-il être toujours objectif ? On peut également être tenté de répondre non. Le film à visée documentaire répondra toujours à une question. Et la réponse à une question est toujours subjective, formatée par le regard de celui qui vous répond. Le documentaire est régit par la vision de son réalisateur. Ainsi un même sujet documentaire ne sera pas traité de la même manière par deux réalisateurs différents.
- Retranscrire le réel
Il n’y a pas que le regard qui formate un film. Comment retranscrire le réel quand la loi vous impose un droit à l’image ? Attention, je ne veux pas dire que cette loi n’a pas de raison d’être. Il est tout à fait compréhensible que chacun puisse avoir le contrôle de son image. Ce que je veux dire, c’est qu’en décidant de ce que la personne filmée souhaite montrer d’elle-même, elle devient forcément actrice (sauf pour les animaux, mais je vois mal Jacques Perrin demander leur autorisation à des manchots). Le sujet est conscient de cette présence « intrusive » qu’est la caméra et aura tendance à se placer dans la retenue.
- Le montage pour répondre à une problématique
En parlant de montage dans le titre, je vais peut-être un peu vite. Mais je vais y venir.
Avoir une idée ne veut pas dire que l’on peut partir bille en tête caméra à la main. Il faut un minimum de préparation. Quelle est la question à laquelle il veut faut répondre ? Comment allez vous organiser votre film. Quel format lui donner ? L’étape du scénario est très importante. Même s’il faut laisser la place à l’inconnu, les grandes lignes de votre documentaire doivent être écrites. Ne serait-ce que pour les interviews. Il faut anticiper ce que l’on pourrait vous dire, se mettre à la place de vos spectateurs. Vous connaissez parfaitement votre sujet, mais pas les gens à qui le film est destiné.
Votre documentaire est donc scénarisé. Et le montage vient accentuer cette scénarisation. En effet, une fois le tournage effectué, vous vous retrouvez avec des heures et des heures d’images. Mais toutes ne vous serviront pas (ou alors votre film sera très, très, très long). Il faut que tout case dans un format de 25, 50 ou 90 minutes. Il faut donc soigneusement sélectionner les images qui serviront à illustrer le propos.
Peut-on donc réellement dire que le documentaire est objectif ? Je ne sais pas. À vous de décider.